mardi, décembre 26, 2006

L'emploi

"Bonsoir, puis-je prendre votre commande ?"

Il le dit avec plus ou moins de conviction, avec plus ou moins d'intérêt. L'important, c'était d'avoir l'air attentif à la commande d'un client impatient. C'était la énième fois qu'il répètait cette phrase. Son écouteur commençait à lui faire mal aux oreilles. Mais comme il était attitré à ce poste, et qu'il travaillait, il n'avait pas le choix. À vrai dire oui, mais disons que s'enfuir sans raison donne mauvaise impression.

Ce qu'il détestait le plus, c'était les commandes floues. Ou plutôt comme si c'que le client était évident pour le monde entier.

"J'vais prendre un café."

" (J'vous donne le silex ? Ou vous voulez venir à ma place le préparer ?) Quel format ? "

" Ben là ! Un Grand !"

"(C'est vrai ! J'aurais dû le deviner, Monsieur ! Suis-je sotte...) On met quelque chose à l'intérieur ? "

" Mmm...2 lait 3 sucre...Non ! 3 lait...Eeh...Avez-vous d'la crème ? "

" (Non, Ça l'extiste pas ça, c't'une légende urbaine.) Oui. "

" Bon mets moi d'la crème d'ebord. "

" (Parfait, j'vous l'crisse d'en face ou dans L'verre ?) Vous pouvez avancer, on vous prépare ça. "

Il était absolument fatigué. Bon, en général, il n'est pas aussi violent dans ses pensées, mais disons que sa journée, il l'avait dans l'corps.

Le combat mental qu'il entretenait parfois avec ses clients baveux le libérait, mais il savait qu'il perdait à l'avance :

1-Le client a toujours raison.
2-Son habit le rendait tout sauf sexy et supérieur.

Mais bon. Que peut-il faire de plus ?

Rien, sauf rajouter du sucre dans le putain de café.

vendredi, décembre 22, 2006

L'envie

Je tourne...
Non, le plancher tourne
Je reste fixe
Le sol virevolte

Je distingue
Parmi les vagues sombres
Des grands rouges
Qui mutilent leur langues

Ils se touchent
Se frôlent sans hésitations
Je voix des yeux
Qui chuchottent : embrasse-moi

Je leur crie alors : Moi ?
Est-ce pour moi ?
J'entends alors des rires
Qui me percent les oreilles

Alors j'arrête le maelstrom
Et je vois deux corps masculins
Nus et enduits de soie écarlate
Qui s'arrachent les lèvres

Je pleure
Je vomis
Je tombe
Puis noir.

jeudi, novembre 30, 2006

Complexe de supériorité

Je ris à en perdre la voix
De te voir défiler devant moi
Tu te crois, et si malin
Que j'en ai mal au reins

Tu penses être le roi
Tu ne peux te passer de toi
Mais si tu regardais autour
On te prends pour un abat-jour

Décroche de la lune, Pierrot
Et dissout tes airs faux
Tu n'mérites pas l'attention
Débarasse de sous ces affreux néons

Pendant que le fête éclate
Tu te pointes et te flatte
On a l'temps de s'refroidir
Et de t'prendre en pitié, Sire

Si tu savais, monsieur modestie
Que ceux qu'tu prends pour acquis
C'est-à-dire la planète entière
Ne désire que de te défaire

Décroche de la lune, Pierrot
Et dissout tes airs faux
Tu n'mérites pas l'attention
Débarasse de sous ces affreux néons

Puisque tu n'écoutes pas
C'qu'on te dit tout bas
Alors continue de rêver haut
Et on te laissera tomber à l'eau

lundi, novembre 20, 2006

Sons et mélancolie

Je chantonne à tue-tête la musique qui fluctue mes tympans à bon rythme et à une puissance à en faire frissonner les vieilles casseroles. J'apprécie toutes les notes de chaque instrument, la voix délicieuse du chanteur : tout m'ennivre. Sauf les paroles. Je ne les comprends pas, étant dans une langue qui m'est que peu familière. J'en parle un peu, mais ça ne m'ordonne pas bilingue pour autant. Bref.

De chansons en chansons, je me laisse transporter dans les aléas de mon cerveau qui divague, de mes pensées qui frémissent, de mes vieux déchirements. Hé oui, je ne suis pas si heureux que ça. Et en même temps, je ne suis pas aussi malheureux que je le crois. L'humain a peur du gris.

Je me demande si l'âme frère arrivera dans ma vie. Si je suis prêt à le recevoir, à l'accepter. Si je n'idéalise pas, si je suis trop dur dans mes critères, ou si je manque de panache et que je laisse tout passer. Quand vais-je le rencontrer ? Finirais-je ma vie en me masturbant devant la section des sous-vêtements moulants pour hommes d'un catalogue ? Ou passerais-je de compagnon en compagnon pour ne rechercher qu'un peu de sexe, de sécurité et d'affection. Je le cherche, tu n'es pas là, il existe ? Nous ne sommes pas, vous êtes et ils s'en fout.

...
Je retourne aux effluves des harmonies et je m'endors l'esprit. J'éloigne le pire et j'oublie. Pour mieux aller repêcher le tout demain.

mercredi, février 01, 2006

Le navet

Est-ce que je me suis inspiré de quelqu'un ? Non, pas de moi...Voyons.

Le navet

Des yeux fixaient sans cesse l’écran. Ses mains avaient commencé à frapper les touches de moins en moins vite. Les paupières du jeune homme lui semblaient plutôt lourde, mais se sentant encore hypnotisé par son ordinateur, il ne se dérogea pas de ses activités d’un grand ennui. Il était concentré sur ce que lui transmettait les cristaux liquides de son écran et sur la musique qui lui commençait peu à peu à lui polluer les oreilles. La fatigue s’emparait de lui, mais au moins, dans cette situation de transe virtuelle, ses responsabilités en tant qu’étudiant non-modèle et de ses angoisses en tant que dépendant affectif lui paraissaient absent. Mais parfois, sa conscience lui laissait des messages sur le boîte vocale du cerveau :

« C’est encore moi. Dois-je te rappeler que tu es un adulte en devenir et que tu as plusieurs choses à t’occuper si tu veux un bel avenir ! Tes études ? Tes réflexions sur la vie ? Ta santé ? Tes amis ? L’amour ? L’alcool ? Ils ont besoin de toi ! Maintenant !…Rappelle-moi, d’accord ? Et eh…Oublie l’alcool.»

En ce moment présent, toutes ces choses ne lui importaient plus. Il était devenu légume. Un gros navet. Ces facultés motrices en mode automatique travaillaient en temps supplémentaire, sans être payés.

Puis : Bang !

Le pauvre tomba sur son clavier, mort. De fatigue.

Et demain, le cercle vicieux de la fuite des responsabilités recommencera. Comme d’habitude.

Pauvre navet.

samedi, janvier 28, 2006

Une nuit à Québec

Ce fut une inspiration soudaine. Assez autobiographique !

Il prit une gorgée de son café trop sucré, rempli de lait, comme il l’aimait.

Assis dans son lit simple, le maigre couvre-pied le recouvrant, les oreillers comme appui, il lisait un livre qu’il avait déjà lu il y a longtemps, mais tombé en amour avec cette collection, il avait décidé de relire les tomes déjà parus. C’était aussi pour voir le dernier tome sur grand écran en n’étant pas trop dépaysé de cet univers fantastique.

C’était rendu une habitude dans son rituel d’avant-sommeil que de lire un ou plusieurs chapitres d’un livre. Il avait recommencé à lire. Cela avait été une impulsion, que de s’imaginer à nouveau les personnages dans les situations données par l’auteure. Ce qu’on aurait pu croire une bonne habitude retrouvée était plutôt une fuite des responsabilités de ce jeune homme. Plongé dans sa lecture, il ne pensait pas aux travaux qu’il devrait finir, aux examens qu’il devrait étudier, ou plutôt mémoriser pour pouvoir ensuite tout régurgiter sur une feuille-réponse. Au lieu d’être un étudiant modèle raisonnable, il préférait faire comme le chat de ses colocataires : se blottir dans un coin et ne penser à rien.

C’était à se demander s’il aimait son programme. Bien sûr que c’était sa passion, mais pourquoi se sentir las de tout ça ? Il faut admettre que c’était la fin de session, là où tous les examens et les travaux s’accumulaient parmi toutes les choses à faire en un concentré de quelques semaines. Il se demandait souvent comment il avait réussi à ce sortir de cet enfer. N’ayant jamais réussi à organiser ses études, souvent à la dernière minute, il se voyait comme un survivant du Parc Jurassique.

Il prit une grande gorgée dans sa tasse préférée, mais comme il était maladroit, il réussi avec un talent inouï propre à lui à renverser du café sur lui. Il se félicita lui-même ; cette fois, c’était plutôt une auto-dérision acquise au fil du temps par ses innombrables gaffes que son ironie malsaine habituelle. Il n’alla pas nettoyer le dégât en allant chercher la débarbouillette dans la cuisine, mais essuya sa bouche du revers de la main, puis s’essuya sur son couvre-lit. Pas besoin de se lever pour ça, pensa-t-il.

Il retourna finir son chapitre, pour ensuite fermer sa lampe en néon en forme de coupe de Dry-Martini, puis se coucher sur le côté entre le matelas un peu dur et le drap un peu court. Il fit aller le flot de ses pensées de remords de n’avoir pas fait grand chose et de ses pensées de déprime sur l’amour. Il était tanné d’être seul, tanné de ses angoisses sur ces véritables sentiments, et de déprimer sur ce sujet.

Il en avait assez de ruminer.

Il s’endormit quelques minutes plus tard, sur le côté, le corps dans une position à faire frémir le Cirque du Soleil.

L'homme et son destin

Voilà un autre poème, qui exprime vraiment ce qu'est la vie pour moi.

L’homme et son destin

Voilà l'histoire d'un vieil adolescent naïf
Qui, comme tous les autres humains
Essaie de marcher dans les bois
Que représente les parcelles de son être

Son corps manquant de force et d'agilité
Essaie tant bien que mal de pousser
Il s'évertue avec une volonté troublée
De foncer parmi les broussailles de sa vie

Malgré les fouets des branches dégarnies
Ses pieds effrayés et ses mains tremblotantes
Tentent de combler cette faim gargantuesque
Que de se faire dévorer la tête et le cœur

Mais la nuit devient de plus en plus obscure
Et sa peur envenime ses yeux rouges
Les mots écorchent sa gorge souffrante
Sa bouche en état d'hypothermie se cristallise

Réussira-t-il à s'émerger de cette forêt
En s'époumonant de ces victoires
Où se laissera-t-il tomber au milieu des racines
Et pourrira entre les feuilles mortes ?

L'histoire se terminera soudainement
Sans faire de bruit ou presque
Le vent soufflera dans ses cheveux
Inerte ou revigoré, elle le murmurera.

Jeune Gamin

Voici un poème que j'aime beaucoup. Je le trouve visuellement troublant, et vrai.

Jeune Gamin

Jeune gamin à la peau maigre
Marche sur le plancher de béton gris
Avançant vers un point cardinal
Sans savoir les trois autres

Jeune gamin, nu, imberbe
Les pieds en sang, la tête pesante
Son visage infiniment triste
Sa poitrine aux faibles redondances

Jeune gamin qui s'arrête
Pleure et marmonne
Son cœur rouge
Qui soudain explose

Son corps blême devient alors écarlate
Sa tête qui tourne, tourne et retourne
Il échappe un cri, des cris assourdissants
Puis s'écroule, son crâne se fracasse

Jeune gamin qui meurt
Sur le plancher trop dur
Qui voulait quelque chose
C'était de savoir où aller.